En dehors du jeu et de ses règles, il y a des activités satellites qui tournent autour des tables. Il s’agit du Staking. Les stackeurs sont des investisseurs dans le talents d’autrui (en dehors du leur).
Ou comment donner l’occasion à des joueurs talentueux de jouer des tournois supérieurs à ce que leur Bankroll permet.
PokerGeek.be a rencontré un stakeur connu sur la place belge, Patrick Neyman
aka Ivanobrain. Il nous explique le principe du staking.
En temps que joueur de poker régulier, nombre de fois où vous avez été tenté ou sollicité par un staking à plus ou moins grande échelle. Qu’en est-il exactement ?
Qu’est-ce que le staking ?
Le staking est, en fait, une intervention de tiers dans le financement d’un événement, en l’occurrence qui nous concerne ici, le financement de tournoi de poker.
Plusieurs formules sont à disposition des joueurs, nous aborderons ici les deux principales : le « staking » proprement dit et le « swap ». Il est toujours possible de tenir compte de sponsoring ou de mécénat, mais l’approche est totalement différente.
Le staking
Le staking est la mise à disposition pour d’autres personnes que le joueur de « parts », définies au préalable, donnant accès à un éventuel retour sur investissement en cas de réussite du joueur staké.
Explications :
Un joueur X décide de mettre en vente 50 % de son buy-in (droit d’inscription au tournoi) qui est affiché à 1000 € (on ne tient pas compte du « rake » de l’organisateur puisqu’il est de toutes façons payé par le joueur).
Cinq « actionnaires » se présentent et déboursent chacun 10 % de la mise. Pas de chiffres ici car nous allons voir plus loin que ces 10 % peuvent coûter un peu plus cher.
Le joueur termine le tournoi aux portes de la table finale (exemple), et touche 15500 € (c’est un beau tournoi). Chaque actionnaire touchera en proportion de son investissement, soit 1550 € pour une mise de départ d’environ 100 €.
*Évidemment, si le joueur n’entre pas dans les prix, le stakeur et le joueur ne touchent rien et perdent leurs instissements
Le « cut »
Dans l’exemple illustré ci-dessus, nous avons évoqué le fait que le pourcentage de l’action pouvait être différent selon les circonstances. En effet, il est courant que le joueur demandant un staking augmente l’intervention d’une proportion variable comprenant les « faux frais ». il faut prendre en compte les déplacements éventuels, le logement, la nourriture et les boissons, etc.
Ces frais ne seront pas totalement couverts par les stakeurs, mais généralement cette petite contribution permet de couvrir une petite partie.
Ce « cut » est très variable et est soumis à l’appréciation du staké et des stakeurs. Il est clair qu’un tournoi d’un jour à Bruxelles ou Namur sera moins onéreux qu’un déplacement à Dublin, Marrakech ou, soyons fous, Las Vegas. Il n’y a pas réellement de règles pré-définies. Néanmoins, le joueur veillera à garder une proportion équitable et attrayante, le but de l’opération étant autre que couvrir les frais annexes.
Le supplément du « cut » va donc de zéro à environ 15 % de la somme.
Il est prélevé, ou demandé, soit sur l’investissement de départ (la part de 10 % correspondant à 9 % du buy-in ou étant chiffrée au 10%, augmenté du « cut ») soit sur les gains (même principe). Personnellement, je mise souvent sur ce type de deal (cut sur les gains), le joueur étant déjà en mode « vainqueur ».
Tournoi simple, festival et re-entries…
Le staking peut être demandé ou proposé pour un seul tournoi, bien défini et planifié. Le choix est alors simple et clair dès le départ. Mais il est également possible de proposer un « lot » de tournois. Si un joueur décide et se déplacer à l’étranger, disons Rozvadov, il ne jouera probablement pas qu’un seul tournoi, mais bien le festival dans sa largeur … ou pas…
Le principe reste le même, si ce n’est que les tournois proposés seront bien entendus détaillés au mieux pour les investisseurs et le programme établi devra être respecté. On ne change pas les données du « contrat » en cours de route. Ce programme pourra d’ailleurs tenir compte d’éventuels re-entry, puisque cela fait maintenant partie intégrante de l’organisation des tournois et festivals.
Si le joueur ne devait pas utiliser les entrées reprises dans le programme, que ce soit une seconde inscription ou simplement un autre tournoi se jouant en conflit de calendrier avec le tournoi précédent dans lequel il est en « deep run », la mise est versée dans le pot de gains à redistribuer.
Pourquoi un staking lorsque l’on est le joueur ?
Vous allez me dire qu’un joueur gagnant ne devrait pas avoir besoin de financement externe pour jouer … et vous aurez probablement raison. Néanmoins, si l’on se tient à une bonne gestion de bankroll, la somme consacrée aux tournois devrait être d’environ 100 buy-in pour être considérée « safe »… Donc, si l’on s’en tient à ce raisonnement, pour jouer un tournoi à 1000 €, il faut pouvoir compter sur son compte 100000 euros de disponible.
Soyons réaliste : les joueurs ayant cette réserve de liquidités font partie d’une élite dont la majorité d’entre nous ne sont pas.
Deuxième point important, nous savons et constatons, que pour engranger des résultats, il faut jouer … beaucoup ! ce n’est pas en faisant 4 tournois par an que le palmarès se garnira significativement. Il se garnira, mais en beaucoup plus longtemps. C’est un peu comme les joueurs de tennis qui accumulent les points ATP pour monter dans le classement mondial : seuls les meilleurs qui enchaînent les matchs progressent réellement.
Troisième critère à prendre en compte, et non des moindres : la variance !
Le fait de joueur plus, grâce justement au staking, permettra d’adoucir cette variance qui fait que, même les meilleurs joueurs ont de mauvaises périodes, tout comme, même les joueurs plus modestes ont leurs rushs ponctuels.
Pourquoi staker un joueur ? et comment choisir son « poulain » ?
De nouveau, plusieurs raisons de staker peuvent être mises en avant.
Dans un premier temps, même si c’est probablement l’argument le moins « rentable », c’est pour faire plaisir à un ami. Même si autour des tables, l’amitié est toute relative, aider un joueur à participer à un tournoi, même modeste (j’ai déjà staké dans un tournoi à 50 €), lui permettra de respecter sa politique et sa discipline de jeu correctement.
Seconde possibilité : vous avez envie de contrer cette variance, que nous avons évoqué plus tôt, en jouant plusieurs joueurs. Donc vous êtes vous-même en jeu, mais « pariez » sur d’autres participants. Le calcul est simple, dans un tournoi classique, environ 12 à 15 % des joueurs sont dans les prix, vous avez donc une chance sur 6 ou 7 d’en être. En entrant dans les parts d’autres joueurs, vous augmenter vos chances et donc réduisez la variance. Ce n’est pas une garantie de gains bien entendu, mais cela augmente considérablement les possibilités de retour.
De gros joueurs internationaux sont connus pour ce procédé : ils sélectionnent quelques joueurs à l’inscription, paie la totalité du buy-in et récoltent 50 % ou plus des gains du joueur… Tout le monde est gagnant.
Troisième raison : vous ne pouvez participer à un événement pour raisons diverses…
L’intervention ou le soutien d’autres joueurs vous permettra de vivre de l’intérieur cet évènement. Que ce soit un tournoi quotidien ou hebdomadaire comme le Sunday du Casino de Namur, ou la participation à un « Major » tel que l’EPT de Barcelone ou le Main Event des WSOP. Vibrer à distance est une façon de participer également.
Et vous allez poser la question critique : « Qui vais-je staker ? »
Pour l’ensemble des raisons reprises plus haut, le choix peut s’avérer difficile et cornélien. Une intervention dans le tournoi d’un ami ? Un pourcentage chez un joueur pro ? ou semi-pro ? joueur lambda ? il n’y aura pas de réponse à résultat positif garanti.
En ce qui me concerne, mes interventions se cantonne à un panel de joueurs réguliers qui font des résultats intéressants et régulièrement. Il faut aussi que les résultats de soit pas des min-cash mais bien des places rémunératrices telles que les top 5 ou mieux. Le choix ne sera pas facile. Il est parfois préférable de choisir un joueur moyen qui est dans une période de grâce qu’un pro dans le creux de la vague.
Comment s’y prendre ?
À l’heure actuelle, avec les réseaux sociaux, il est extrêmement facile de proposer une opération de staking ou d’y répondre. Il faut parfois être rapide, puisque certains joueurs sont des habitués de ce type de paris et sont aux taquets pour sauter sur l’occasion de vibrer avec d’autres. Certaines offres partent à une vitesse étonnante, il faut être vigilant. Le paiement des parts peut se faire de toutes les manières disponibles telles que virement, transfert via des cartes de paiements ou site de jeu, espèces (attention, pas de traces !), etc.
En tout état de cause, il est important de tenir une comptabilité des opérations de staking et de leurs résultats. Et ce, pour deux raisons essentielles : premièrement, voir, comme lorsque l’on joue soi-même, si les résultats sont positifs, et que le ROI (retour sur investissement) est rentable. Et deuxièmement, en particulier pour les joueurs qui se font sponsoriser, pouvoir établir une ventilation des gains face au fisc.
Oups, on a dit fisc !
Oui, je sais, le débat est très ouvert. En Belgique, les gains sur les jeux ne sont pas taxables, en théorie ! Seulement, les outils disponibles sur le web, tels que sites des casinos affichant les résultats, ou HendonMob sur lequel la somme officielle gagnée par un joueur est affichée, ou encore le fait que les retraits et gains de certains casinos (tel que Viage) sont nominatifs, font que l’administration s’intéresse aux joueurs à gros gains. Dans l’optique où vous avez une ventilation de vos gains, vous pourrez vous défendre plus facilement.
Le Swap
Deuxième version du staking, et probablement la plus courue : le Swap.
Qu’est-ce ? Le swap est une opération de plusieurs joueurs, de deux à …, qui jouent le même tournoi et mettent en commun un pourcentage de leur participation.
Pour exactement les mêmes raisons que le staking, ce partage permet de réduire fortement la variance et, ainsi, rentabiliser au mieux les finances engagées.
Ici, pas de « Cut », puisque les frais sont identiques pour tous.
Le pourcentage engagé peut être individuel (exemple, nous sommes trois, chacun swap 10% : en cas de gains, chaque joueur touche 10%), ou collectif (swap de 10% ou plus, les gains vont dans un pot commun que l’on se partage après. C’est le principe des teams).
Tout comme pour le staking, je recommande fortement la tenue d’une comptabilité précise et analytique. Vous me remercierez un jour.
En conclusion
Comme tous paris, le staking, ou swap, est une opération financière à risques. Mais, clairement, et en toutes connaissances de causes, cela fait partie intégrante de l’univers de jeu dans lequel nous évoluons.
Le poker étant un jeu technique, où la chance intervient toujours, malgré la bonne volonté et/ou le talent des joueurs, le staking permet de réduire la variance du jeu et peut donner l’illusion de gains substantiels possibles. C’est vrai, les gains peuvent être intéressants, lorsque l’on est en veine et que le choix du joueur staké est judicieux.
Pour le joueur qui propose ses parts, le fait de réduire son investissement lui permettra de jouer, en principe, plus de tournois et aura donc le même but.
N’hésitez pas à nous faire part de vos retours et expériences.
Patrick Neyman aka Ivanobrain aka le Stakeur fou
Nota bene:
On parle de « stacking » à propos des jetons que chaque joueur a en sa possession. « (Dé)stacker quelqu’un désigne le fait de prendre à un joueur tous ces jetons. »
Le « staking » fait référence au fait d’investir dans un joueur en payant une partie de son buy-in, contre une partie de ses gains.
Info :
TheHendonMob
https://pokerdb.thehendonmob.com/player.php?a=r&n=163095
PokerListings
https://fr.pokerlistings.com/le-staking-pour-les-debutants
ClubPoker.net
https://www.clubpoker.net/staking/definition-517